Introduction
L’année 2025 marque un tournant dans l’histoire de la mobilité électrique. Sur l’A10, dans les environs de Paris, une portion d’autoroute dédiée à la recharge par induction sera expérimentée dès l’été, ouvrant la voie à une révolution dans les technologies de transport durable. Ce projet, initié par une collaboration entre l’État, des collectivités territoriales et des acteurs privés, vise à transformer les trajets longue distance en expériences plus fluides, sans contraintes liées à l’autonomie — grâce à un système invisible de recharge en circulation. « Nous voulons démontrer que l’avenir de la mobilité électrique passe par un réseau routier intelligent, capable de recharger les véhicules sans arrêt », a déclaré un porte‑parole du Ministère des Transports. Cette initiative, à la fois ambitieuse et concrète, suscite l’intérêt des automobilistes, des industriels et des experts en écologie urbaine, tout en posant de nombreuses questions pratiques, techniques et économiques.
1. Qu’est‑ce que la recharge par induction dynamique ?
La « recharge par induction dynamique » désigne un processus par lequel l’énergie électrique est transférée sans fil, en mouvement, du sol vers un véhicule roulant. Adossée à une infrastructure intégrant des bobines électromagnétiques sous la chaussée, la technologie permet à une bobine réceptrice placée sous la voiture de capter de l’énergie, exactement comme une recharge statique sans contact. « Les premières simulations montrent un rendement énergétique au‑delà de 85 %, ce qui en fait une solution prometteuse pour diminuer le frein psychologique de l’autonomie », explique un ingénieur en R&D spécialisé. Le principe repose sur la loi de Faraday, reproduite à haute fréquence pour garantir une puissance au même niveau que les bornes traditionnelles — entre 20 et 50 kW. Les aspects pratiques — comme le positionnement précis des bobines, la gestion des interférences électromagnétiques, et la sécurité des usagers — sont autant de défis que les acteurs tentent de résoudre avant le lancement pilote sur l’A10.

2. Contexte de l’expérimentation sur l’A10
Choisir l’autoroute A10, axe majeur reliant Paris à Bordeaux, n’est pas un hasard. Cet itinéraire, particulièrement fréquenté, représente un terrain d’essai idéal pour mesurer les effets à grande échelle, la fiabilité technique en conditions réelles et l’acceptation des utilisateurs. Les ministères concernés, en coordination avec la Direction des Routes et Vinci Autoroutes, ont sélectionné une portion de 10 km près de Saint‑Arnoult‑en‑Yvelines. Financement public et partenariats privés soutiennent l’installation des bobines dans la chaussée, la mise à niveau des véhicules témoins (flotte de transports publics et quelques voitures particulières), ainsi que les dispositifs de mesure de performance. « Ce pilote donnera des données précises sur le comportement en conditions climatiques variées, de l’hiver gelé à la canicule », précise un responsable de projet engagé dans la phase préparatoire.
3. Enjeux sécuritaires et environnementaux
L’installation de technologies à haute fréquence sous la route soulève des questions de sécurité, aussi bien pour les usagers, pour le personnel d’entretien que pour l’environnement. Les études menées avant la mise en service incluent des évaluations de champs magnétiques, afin de respecter les normes fixées par l’Agence française de sécurité sanitaire. À la limite, la présence d’animaux sauvages, tels que les chauves‑souris ou les insectes pollinisateurs, a été intégrée dans les simulations. « Nous avons testé les niveaux d’exposition sur des modèles sensibles, pour être sûrs que l’écosystème ne soit pas affecté », indique un scientifique impliqué dans l’étude. Par ailleurs, la robustesse mécanique de la chaussée doit être garantie : les bobines seront protégées par des matériaux composites résistants au trafic lourd, au gel/dégel et aux traitements anti‑verglas. Un réseau de surveillance en temps réel, appuyé sur des capteurs, permettra de détecter tout dysfonctionnement ou dégradation prématurée du système.
4. Conséquences pour les usagers
Pour les automobilistes, l’accès à cette portion spécifique de l’A10 sera transparent : aucune intervention manuelle ne sera requise pour recharger. La voiture équipée d’un récepteur adapté captera automatiquement l’énergie via l’inducteur au sol. Toutefois, la compatibilité technologique constitue un enjeu majeur : seuls les véhicules de la flotte pilote seront pourvus de la bobine réceptrice, les particuliers devront volontairement s’y équiper. Cela implique des adaptations de normes, d’homologation et de maintenance. « L’objectif est de proposer, à terme, une solution standardisée qui pourrait être installée par les constructeurs automobile », indique le groupe en charge des normes européennes. En attendant, autoroutes compatibles et possesseurs de voitures adaptées devront se repérer par une signalisation dédiée, et un système d’information embarqué précisera si la recharge est en cours ou non.
5. Coûts et financement du projet
Le coût de l’infrastructure est conséquent : selon les estimations, la pose d’inducteurs sous l’asphalte revient à environ 1,2 million d’euros par kilomètre, hors frais annexes comme les capteurs, l’ingénierie et la signalisation numérique. Le budget total du pilote A10 s’élève ainsi à environ 15 millions d’euros, soutenu par l’État, la Région Île‑de‑France, et quelques entreprises technologiques spécialisées. À moyen terme, les retours d’expérience détermineront la viabilité économique du modèle. Si la technologie progresse — notamment en termes de rendement énergétique et de modularité —, des mécanismes de financement mixtes (public/privé), voire l’intégration dans les péages autoroutiers, pourraient être envisagés. « Nous devons peser les économies réalisées en optimisant l’autonomie et la maintenance des batteries contre la facture d’installation », analyse une analyste d’energy finance. Le projet cherche ainsi à équilibrer service rendu au public et retour sur investissement, dans la perspective d’un déploiement national ou européen.

6. Perspectives et développements futurs
En cas de succès, la portion-test sur l’A10 pourrait servir de modèle dans d’autres régions françaises, en lien avec la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone). Des connexions sont envisagées avec des services de bus interurbains, poids lourds ou covoiturage électrique. Des études sont aussi en cours pour envisager la recharge par induction sur des routes secondaires, pour desservir les zones rurales. « Cela muscle notre ambition de transition énergétique : passer d’un simple parc de bornes à un réseau routier nourri en continu », estime un expert du Cerema. À l’échelle européenne, l’initiative française suscite déjà des intérêts : des délégations de Suède et d’Espagne viennent observer les essais, et un standard OPE (On‑the‑Road Power Exchange) pourrait émerger dans les prochaines années. Si l’expérience est probante, elle pourrait relancer la stratégie continentale d’infrastructures électriques intégrées au réseau routier.
Conclusion
La mise en place d’une portion d’autoroute à recharge par induction sur l’A10 près de Paris représente une avancée technologique majeure, offrant la promesse d’une mobilité électrique plus confortable et intelligente. Si le projet 2025 atteint ses objectifs en matière de performance, sécurité et viabilité économique, il ouvrira la voie à une révolution des infrastructures routières, repensées pour les véhicules de demain. Mais cette innovation doit aussi se conjuguer avec des enjeux d’harmonisation technique, d’acceptabilité par les usagers et de maîtrise du coût. C’est à travers cette expérimentation que se dessine, potentiellement, le futur de la mobilité durable en France — et pourquoi pas en Europe.